Comment êtes-vous venue au cinéma, ou comment le cinéma est-il venu à vous ?
Houda Benyamina – J’ai eu la chance d’avoir la télévision comme baby-sitter. A la télé, j’ai pu découvrir des Sergio Leone, des Louis de Funès, des Jean-Pierre Melville, des comédies de grande qualité… Avant ça, quand j’avais 8 ans, mon instit avait monté Marius de Pagnol et m’y avait fait jouer. Après, pendant longtemps, j’ai cru que je voulais devenir comédienne. J’ai aussi un CAP de coiffure, ma scolarité a été chaotique !
Le déclic, ça a été un surveillant du lycée qui m’a fait connaître deux choses : Voyage au bout de la nuit de Céline et Médée de Pasolini. Deux grosses claques ! Médée a été un choc, ça réconciliait la peinture, la littérature, la poésie, la politique. Je n’avais pas l’habitude de ce cinéma-là. La Callas jouait Médée, du coup j’ai découvert son répertoire… J’avais 16 ans. Ensuite, ça s’est enchaîné, j’ai découvert, dans le désordre, les films de Jean Eustache, de Tod Browning, de Sacha Guitry…
Dans ce que vous citez, il y a autant de cinéma d’auteur que de cinéma populaire, qui se mélangeaient d’ailleurs plus facilement il y a trente ans, comme chez Leone…
Oui, parce que le cinéma populaire et le cinéma d’auteur procurent autant de plaisir. Dans mon association 1000 Visages, on fait beaucoup d’éducation à l’image. Un gamin, c’est difficile de lui montrer… disons un Tarkovski. Par contre, on peut lui montrer Mouchette de Bresson, ou Mean Streets de Scorsese. Mouchettepeut être une claque pour un gamin !
Vous citez Scorsese et, justement, c’est le cinéaste qui vient à l’esprit quand on cherche des référents pour Divines. Il incarne pour vous l’alliage du style et de l’impact populaire ?
Complètement. Il parle à tout le monde et il a son style, son univers, reconnaissables entre tous. Mais Fassbinder aussi incarne ça. Il est un peu méconnu aujourd’hui en dehors des cinéphiles, tandis qu’à l’époque, quand il fait Tous les autres s’appellent Ali, c’est du cinéma pointu, singulier, mais qui peut toucher n’importe qui. On m’associe beaucoup au Nouvel Hollywood, à Scorsese qui est effectivement un de mes maîtres, mais j’ai aussi beaucoup appris du cinéma français, de Melville, de Sautet. J’adore la subtilité psychologique des personnages chez Sautet.
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