Robert mapplethope, le photographe
Robert Mapplethorpe (, Floral Park (en), État de New York – , Boston) est un photographe américain célèbre pour ses portraits en noir et blanc très stylisés, ses photos de fleurs et ses nus masculins.
Le caractère cru et érotique des œuvres du milieu de sa carrière a déclenché des polémiques sur le financement public de l'art aux États-Unis (culture wars).
Mapplethorpe naît dans une famille catholique d'origine anglo-irlandaise. Il est le troisième de six enfants.
Très jeune, il montre une grande dextérité et se plaît à réaliser de petits bijoux en perles pour sa mère. Il est également passionné de coloriage, comme l'écrit son amie Patti Smith dans Just Kids: « Le coloriage le passionnait: non pas l'acte de remplir l'espace, mais celui de choisir des couleurs que personne d’autre n'aurait retenues. ».
En 1963, Mapplethorpe entre au Pratt Institute du quartier de Brooklyn à New York, où il étudie le dessin, la peinture et la sculpture. Notamment influencé par Joseph Cornell et Marcel Duchamp, c'est à cette époque qu'il commence à réaliser des travaux utilisant des techniques mixtes. En particulier, Mapplethorpe réalise pendant cette période de nombreux collages utilisant des extraits de journaux et de magazines. Au terme de ses études, il reçoit un Bachelor of Fine Arts.
Renonçant à la voie que lui avait destinée son père — le dessin publicitaire — il décide de rompre de manière brutale avec sa famille. Il s'installe à New-York et vit d'emplois peu stables, découvrant à la même époque le cannabis — qu'il fumait très régulièrement, d'après Patti Smith — et le LSD.
Robert Mapplethorpe est bisexuel et polygame. En 1967, Robert Mapplethorpe rencontre Patti Smith avec laquelle il entretiendra d'abord une relation intime, puis amicale jusqu'à sa mort. Leurs quelque trois ans de vie commune sont relatés par Patti Smith dans un de ses ouvrages.D'après cette dernière, Mapplethorpe n'aurait pas été très intéressé par la photographie avant 1970. Bien plus : malgré les difficultés financières du couple, il achetait régulièrement des magazines pour en découper les photos et réaliser des montages. Ainsi, ses thèmes de prédilection auraient changé radicalement à plusieurs reprises entre 1967 et 1970, passant de l'ésotérisme à la dévotion ou encore la magie (toujours selon Patti Smith). Vers la fin des années 1960, Mapplethorpe a plusieurs relations homosexuelles. En 1969, il s'installe avec Patti Smith au Chelsea Hôtel et se met à fréquenter les clubs Max's Kansas City et le CBGB's.
Peu après son départ du Chelsea Hôtel, un an après son arrivée, Mapplethorpe découvre la photographie en empruntant le polaroïd de son amie Sandy Daley, un Land 360. Son premier modèle est Patti Smith. Malgré les difficultés financières que représente l'achat des pellicules pour le couple, Mapplethorpe réalise bientôt de nombreux clichés. Ces derniers sont exposés trois ans plus tard, en 1973, dans la Light Gallery (New York) pour la première exposition de Mapplethorpe, intitulée « Polaroïd ». Grâce à son ami John McKendry (mari de Maxime de la Falaise) , Mapplethorpe peut contempler la collection du Metropolitan Museum of Art, dont la plupart n'avait jamais été exposée au public - et en particulier une série de nus d'Alfred Stieglitz qui lui laissera un souvenir mémorable. John McKendry achète également un nouveau polaroïd à Mapplethorpe et ce dernier parvient à ce que Polaroid Corporation lui attribue une bourse lui garantissant toutes les pellicules dont il aurait besoin.
En 1975, il acquiert un appareil photo Hasselblad grand format et commence à photographier ses amis et connaissances, qui comprennent des artistes (dont Patti Smith pour qui il réalise la pochette de son premier disque, Horses), des compositeurs, des stars de la pornographie, et des habitués de sex clubs underground. Il réalise également des projets plus commerciaux, notamment en prenant des portraits pour le magazine Interview. Vers la fin des années 1970, Mapplethorpe montre un intérêt grandissant pour le documentaire concernant le milieu sado-masochiste new-yorkais. Il choque ses contemporains par ses clichés qui propulsent du même coup sa carrière. En 1977, il participe à Documenta 6 (de) à Kassel en RFA. Il réalisera la pochette de l'album Marquee Moon du groupe de rock Television. En 1978, la galerie de Robert Miller (en) devient son client exclusif.
En 1980, Mapplethorpe rencontre Lisa Lyon, la première femme championne de bodybuilding. Durant les années qui suivent, ils travaillent ensemble sur de nombreux portraits, un film et le livre Lady, Lisa Lyon. Dans les années 1980, ses photographies prennent un tour plus maniéré, recherchant la beauté abstraite. Il se concentre alors sur des nus statuaires tant féminins que masculins, des natures mortes florales, des images de Lisa Lyon, une série remarquable pour Jean-Charles de Castelbajac et des portraits officiels.
En 1986, les médecins annoncent à Mapplethorpe qu'il est porteur du SIDA. Conscient de sa maladie, il multiplie ses efforts de création et cherche à développer son style personnel. Il vise à lier tous les aspects de son art, les fleurs, les corps, la sexualité et les portraits. Il entreprend de numéroter les tirages qu'il choisit d'éditer. Une importante rétrospective lui est consacrée au Whitney Museum of American Art en 1988. La même année, il fonde sa propre fondation, la Robert Mapplethorpe Fundation confiée à son avocat Michael Stout, pour la préservation de son patrimoine, pour démocratiser la photographie et pour soutenir financièrement les recherches concernant le SIDA et les infections liées au VIH. Mapplethorpe décède en 1989, âgé de 42 ans.
Cultural Wars
Peu après le décès de Mapplethorpe, des guerres culturelles éclatent aux États-Unis sous la pression du sénateur Jesse Helms qui fait annuler l'exposition The Perfect Moment, consacrée au photographe, à la Corcoran Gallery of Art à Washington. Le directeur du Contemporary Arts Center de Cincinnati, Dennis Barrie, est également arrêté pour obscénité à laquelle le nom de Mapplethorpe sera souvent associé. Barrie sera cependant acquitté et la valeur du travail de Mapplethorpe, compromise dans ces débats polémiques, finira par s'imposer[7].
Expositions
- 1981 : Exposition L'homme, un jardin de géométrie, Rencontres d'Arles.
- 1988 : The Perfect moment, Institute of Contemporary Art, Philadephie, É-U.
- 1991-1992 : Musée d'art contemporain Pully Lausanne. Suisse.
- 2010 : Les Rencontres d'Arles, France.
- 2011 : Fotografiska, Stockholm, Suède
- 2014: Robert Mapplethorpe, exposition au Grand Palais, France[8].
- 2014 : Mapplethorpe Rodin, exposition conjointe de photographies de Mapplethorpe et de sculptures de Rodin, Musée Rodin, France[9].
- 2016 : Robert Mapplethorpe On The Edge, exposition au ARos Aarhus Kunstmuseum, Danemark.
- 2016 : Focus : Perfection Robert Mapplethorpe, Musée des Beaux-arts de Montréal, Canada
- 2016: Robert Mapplethorpe : The Perfect Medium, Getty Center, État-Unis.
- 2016: Robert Mapplethorpe : The Perfect Medium, Los Angeles Contemporary Art Museum, État-Unis.i

« Cancer gay », lit-on dans le New York Magazine, « a big disease with a little name » chante Prince dans Sign O’ The Times… Pour Thibault Boulvain*, deux tendances artistiques s’affirment face à l’émergence du virus au début des années 80 : d’une part, un art de revendication quasi politique, flirtant avec la propagande, incarné notamment par David Wojnarowicz (1954-1992), militant chez Act Up, ou Mark Morrisroe (1959-1989), et d’autre part une mouvance plus poétique, voire métaphorique, à laquelle appartiendrait Robert Mapplethorpe, diagnostiqué séropositif en 1986.
« S’il dit la maladie sans la dire, il ne parle que de ça » commente Thibault Boulvain. Soulignant « la violence de l’impact sur cette génération de créateurs qui a dû trouver les formes et les mots pour dire la maladie », il se méfie du mythe de l’artiste martyre, résultat de la projection stigmatisante d’une société bien pensante. Il dit encore : « Contrairement à Hervé Guibert qui refuse à la photographie l’image de son corps (…) Mapplethorpe réinvente l’autoportrait face à l’imminence de la mort ». Chez lui, point de mise en scène du corps spectacle, décharné, mais une sublimation très maîtrisée du mal qui le ronge.
C’est que celui qui se rendra en fauteuil roulant au vernissage de sa première rétrospective au Whitney Museum, en 1988, a le souci du détail. Par pudeur et amour du beau, il se rattache au symbolisme. Un combat, à sa manière.
*Thibault Boulvain, chargé d’études et de recherches à l’INHA au sein du domaine « Histoire de l’art contemporain, XXe et XXIe siècles », poursuit une thèse de doctorat sous la direction de Philippe Dagen, intitulée : « Un ''art malade''. Pratiques et créations artistiques au temps des « années sida » (1981-1997). Etats-Unis/Europe ».