Irma, Carmen et maintenant Eléonore, les ouragans au nom de Femme []
L’utilisation d’un nom court et distinct à la fois pour les communications parlées et écrites permet d’aller vite.
Depuis que les activités humaines, notamment les transports, sont influencées, voire perturbées par les catastrophes naturelles, notamment vers la fin du XVIIIème et début du XIXème siècle avec le développement des transports par voie maritime pour le commerce et la guerre, on a ressenti le besoin de distinguer chaque cyclone tropical, sans confusion possible.
Jusqu'au début du XXème siècle, les ouragans qui frappaient les îles espagnoles des Caraïbes étaient nommés selon le saint patron du jour. Ainsi, à Porto Rico par exemple, on perpétue les souvenirs malheureux de " Santa Ana " le 26 juillet 1825, de " San Felipe " le 13 septembre 1876, et puis à nouveau du terrible second " San Felipe " de 1928. C’est celui-là même qui venait de dévaster la Guadeloupe la veille, le 12 septembre 1928, y faisant au moins 1200 victimes, et où on s'en souvient comme étant le " Grand Cyclone " de 1928.
C’est aussi vers la fin du XIXème siècle, qu’un météorologiste australien de renommée, Clement WRAGGE, décida de nommer les cyclones de sa région du nom de certaines personnalités politiques qui n'avaient pas l'heur de lui plaire ; légende amusante ou exacte vérité, on ne sait vraiment. C'est d’ailleurs là, dans l’ouest de l’Australie, que le terme de " willy-willy ", était alors attribué à certains phénomènes tourbillonnaires, avant que Wragge ne fournisse des prénoms ou noms. En fait le terme de « willy-willy » fut ensuite plutôt réservé aux tornades ou tourbillons terrestres de l’ouest australien ...
En tous cas, c'est toujours à cette époque que les marins de la flotte américaine, qui sont les véritables initiateurs de l'emploi de ces prénoms pour les phénomènes naturels, et notamment les cyclones, ont imaginé d’officialiser l'utilisation de l'alphabet phonétique pour les repérer. Cet alphabet était alors celui employé dans les services de transmission avec notamment : A comme ABLE, B comme BAKER, C comme CHARLIE, etc ...
Mais de manière moins officielle, quoique très répandue, les " marines " ont rapidement pris l'habitude de personnaliser les dépressions ou tempêtes qu'ils rencontraient par d'autres noms ou prénoms. Si elles faisaient peu de dégâts et que le vaisseau et son équipage s'en sortaient bien, on lui attribuait rapidement le prénom de la " girl friend " (petite amie) de l'un, de l'épouse de l'autre. Bref, un amalgame s'établissait entre l'être cher qui manquait, l'envie d'y penser tendrement, et la perturbation météorologique que l'on rencontrait sur sa route, pour peu que cette dernière se montrât finalement douce et compatissante. Si la mer était démontée, les hommes malades, certains angoissés, le premier prénom féminin peu sympathique permettait alors de les baptiser ...
Ainsi l'usage des prénoms, le plus souvent féminins car donnés par des sociétés exclusivement composés d'hommes, les marins, a commencé à se généraliser dans les milieux des transmissions militaires de certains pays, là où la fréquentation des mers tropicales faisait parfois subir le passage de phénomènes cycloniques. Le principe de base était simple : donner aux cyclones tropicaux des noms courts et familiers, faciles à mémoriser, afin de pouvoir communiquer plus facilement avec des millions de personnes menacées et d'éviter toute confusion provenant de la présence d'autres phénomènes, parfois d'autres cyclones, dans la zone. Et cette pratique fut bientôt couramment utilisée dans tout l'hémisphère occidental.
En 1949, on décida de l'officialiser dans la vaste zone atlantique et 1950 fut la première année où furent effectivement baptisés les cyclones de l'Atlantique et de la Caraïbe : la liste reprenait alors l'alphabet des transmissions en cours dans l'armée américaine. On vit cette année-là ABLE, BAKER, CHARLIE, DOG, EASY, FOX, GEORGE, HOW, ITEM, JIG, KING et LOVE. Durant 3 années, la même liste fut reprise et on pensa vite à renouveler cette liste lassante. Les prénoms féminins furent donc utilisés, pour reprendre une habitude historique.
En 1953, on baptisa ALICE le 25 mai, puis plus tard dans la saison BARBARA, CAROL, DOLLY, EDNA virent le jour. Si en 1954, on reprit cette liste, on imagina ensuite de changer de liste chaque année.
Cependant, à la fin des années 70, il y eut un changement plus radical. En effet, les cyclones qui sont toujours des phénomènes naturels dangereux, dévastateurs et redoutés, ont aussi des comportements dans leur déplacement que certains jugent " fantasques " ou « capricieux ", avec une façon d'" errer sans but ", de " changer fréquemment d'avis ", expressions jugées particulièrement désobligeantes par les mouvements féministes de l'époque. Ceux-ci, aux Etats-Unis, les fameux et actifs Women's Lib', s'en émurent, protestèrent énergiquement et ont alors obtenu que la liste des noms des cyclones tropicaux comprennent aussi des prénoms masculins.
C'est en 1979 que les listes, telles qu'on les connaît actuellement, furent créées. Les prénoms étaient alors alternativement masculins et féminins, rangés par ordre alphabétique, le premier de la liste annuelle commençant par A. Les années paires, le premier prénom est masculin (ALLEN, ALBERTO, ARTHUR, ...) ; les années impaires, il est féminin (ANA, ARLENE, ALICIA, ...). Dans notre zone, c'est le centre régional responsable techniquement, le CMRS de Miami (appelé aussi National Hurricane Center) qui propose ces listes aux membres du Comité des Ouragans de la région, comité qui regroupe en fait tous les responsables des services météorologiques des pays de cette région.
Six listes ont été établies et sont reprises cycliquement tous les 6 ans. La liste de 2010 fut ainsi la même que celle de 2004 ; celle de 2011 reprend les prénoms de 1999 et 2005. Elle sera de nouveau utilisée en 2017.
Toutefois, lorsque, par sa violence, les victimes qu'il a entraînées, les dégâts provoqués, un cyclone a acquis un renom particulier et fâcheux, son nom est généralement retiré de la liste et remplacé par un autre du même genre et débutant par la même lettre. Ainsi, ALLEN et ALICIA ont-ils été vite remplacés par ANDREW et ALLISON.
Il n'y aura donc plus de DAVID, GILBERT, HUGO, LUIS, MARILYN, GEORGES, LENNY, DEAN … La liste de 2011 ne comporte plus les DENNIS, KATRINA, STAN ni WILMA de la liste 2005, remplacés par DON, KATIA, RINA et WHITNEY.
Ces listes prévoient 21 prénoms de A à W, les lettres Q et U n'étant jamais employées par manque de prénoms et ... d'imagination. Pourtant, on utilise des prénoms d'origine américaine, française et espagnole, afin de " contenter " toutes les communautés de la région, mais les prénoms commençant par ces 2 lettres sont rares. Si en 1995, on avait atteint la lettre T avec TANYA, l'année record 2005 a vu s'épuiser la liste avec WILMA. Il a donc fallu pour la toute première fois utiliser la procédure prévue dans un tel cas de figure : utiliser la liste de l'alphabet grec, ce qui a permis aux lettres ALPHA, BETA, GAMMA, DELTA, EPSILON et ZETA d'être des "prénoms" de cyclones en fin de saison ...
On peut consulter les 6 listes de prénoms utilisés dans la zone de l'Atlantique (et des mers adjacentes) sur ce site, page Cyclones (lien : http://www.meteo.fr/temps/domtom/antilles/pack-public/cyclone/liste_prenoms.htm )
Cela, c'est la pratique de la vaste zone contrôlée par le centre de prévision cyclonique de Miami, celle que l'on connaît aux Antilles, mais il faut savoir que dans d'autres océans, les centres météos spécialisés utilisent parfois d'autres méthodes pour baptiser leurs cyclones.
Quelquefois, on ne revient pas à la lettre A en début d'année, surtout là où la saison cyclonique est " à cheval " sur 2 années civiles, comme dans l'hémisphère sud. On continue parfois la liste jusqu'à épuisement de toutes les lettres de l'alphabet, et on recommence ensuite ...
Dans certaines régions du globe, on utilisait naguère l'année et le rang du cyclone, tel 9025, qui fit tant de dégâts en 1990 aux Philippines (et 500 victimes) qu'il fut baptisé MIKE. Cette série de 4 chiffres (année et numéro du cyclone depuis le début de la saison) était aussi utilisée par le centre CMRS de New Delhi, précédé par la mer concernée : exemple BOB 9101, 1er cyclone de l'année 1991 dans le Golfe du Bengale (ou Bay of Bengal en abrégé BOB), qui fit plus de 120 000 morts au Bangladesh ! Dans cette zone du nord de l'Océan Indien, on distinguait ainsi les cyclones du Golfe du Bengale, commençant par B ou BOB, de ceux du Golfe d'Arabie, commençant par A. Mais depuis plusieurs années, les prénoms sont aussi utilisés dorénavant.
On peut trouver l’ensemble des listes de noms des cyclones sur le site du NHC Miami au lien : http://www.nhc.noaa.gov/aboutnames.shtml
Enfin, notons que dans la partie sud de cet Océan Indien, là où nos amis du centre de La Réunion ont officiellement la responsabilité technique et décident de la liste, on a repris la procédure employée dans l'Atlantique ; mais là-bas, l'île voisine de Maurice ainsi que le service météorologique des Seychelles tiennent encore à leurs anciennes prérogatives parfois , et ce n'est pas simple ... !
Après l'ouragan Harvey qui a durement frappé la région du Texas, c'est au tour d'Irma, un ouragan de force 5 de faire la Une de l'actualité en s'attaquant aux Caraïbes. Comment se forme un ouragan? Quelle est la différence avec un cyclone? Comment définit-on la force d'un ouragan? Réponses.
Comment se forment les cyclones?
Un cyclone se développe dans une zone où l'eau de la mer est à une température supérieure à 26°C sur une certaine profondeur (plus ou moins 200 mètres). "Le cyclone va se former à cause d'une petite perturbation qui prendra son énergie dans l'évaporation de l'eau sous-jacente. En restant située au-dessus de l'eau chaude, elle devient une dépression tropicale. Les masses chargées de vapeur d’eau montent en altitude et se refroidissent. L’énergie acquise par la condensation de la vapeur d'eau se libère et dévient de l’énergie cinétique donnant de la vitesse à la masse d’air. Lorsque la vitesse des vents moyens les plus forts dépasse 64 nœuds (119 km/h), la tempête devient alors un cyclone tropical, appelé ouragan dans le bassin Atlantique", explique l'Institut royal métrologique (IRM).
Pour qu'un cyclone se forme, il faut également que la zone où il naît soit éloignée de l'Equateur et que l'humidité dans la zone soit forte.
Quelles différences entre un cyclone, un ouragan et un typhon?
Ce n'est pas la puissance qui permet de différencier les trois phénomènes mais bien la zone géographique où ils naissent. Ainsi, un ouragan sévit dans l'Atlantique et dans le Pacifique Est, un cyclone naît dans l'Océan Indien et le Pacifique Sud et un typhon dans le Pacifique Ouest.
Comment évalue-t-on la force d'un ouragan?
L'échelle de Saffir-Simpson graduée de 1 à 5 classifie les différents ouragans en fonction de la force des vents qui l'accompagnent.
Les ouragans qui portent un prénom féminin sont trois fois plus meurtriers que ceux ayant un nom masculin car les gens ont tendance à sous-estimer leur force, selon une étude parue lundi 2 juin aux Etats-Unis.
Depuis les années 1970, les centres de météorologie ont décidé, pour éviter d'être taxés de sexisme, de baptiser les ouragans d'un prénom tantôt féminin, tantôt masculin selon un système déterminé à l'avance. Avant cela, on baptisait ces dépressions avec un prénom féminin, selon la croyance populaire que les humeurs des femmes sont aussi imprévisibles que les tempêtes.
Des conséquences dramatiques
Le résultat de ce changement d'appellation a eu des conséquences mortelles, selon une étude parue dans les Proceedings of the National Academy of Sciences et qui revient sur les ouragans qui se sont abattus sur les Etats-Unis entre 1950 et 2012. "Un ouragan avec un nom à consonance masculine cause en moyenne 15,15 morts tandis qu'un ouragan avec un nom féminin tue environ 41,84 personnes", affirme l'étude.
"En d'autres termes, rebaptiser en Eloise un ouragan portant le nom de Charley peut entraîner trois fois plus de victimes", constate la recherche. Les auteurs de cette étude ont exclu l'ouragan Katrina (2005) et Audrey (1957) à cause du nombre de victimes très élevé qui aurait faussé le résultat de leurs calculs.
"Quand il s'agit d'évaluer l'intensité d'une tempête, les gens ont tendance à reporter leurs a priori sur les hommes et les femmes", explique l'un des auteurs, Sharon Shavitt, professeur en marketing. "En conséquence, les tempêtes avec un nom de fille, spécialement celles qui portent des noms très féminins comme Belle ou Cindy, paraissent plus douces et moins violentes".
Christina moins dangereuse que Christopher?
Des personnes interrogées sur l'éventualité de tempêtes appelées Christina, Alexandra ou encore Victoria, leur ont paru moins dangereuse que si elles avaient été baptisées Christopher, Alexander ou Victor. "C'est une découverte terriblement importante", estime Hazel Rose Markus, une enseignante en sciences du comportement à l'université de Stanford et qui n'a pas participé à cette étude. "Cela prouve à quel point nos associations d'idées dirigent nos actions".
L'étude conclut qu'il est nécessaire d'"inventer un nouveau système d'appellation pour réduire l'influence des préjugés sur l'évaluation des ouragans et permettre une amélioration de la préparation".
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